Né, il y a dix ans, Zou Mai est
un collectif de personnes réunies autour d’une certaine idée de “vivre la
ville”.
Toutes nos manifestations sont de rue, non subventionnées, liées à un
quartier et à un temps de l’année. Elles sont autant d’occasions de se
réapproprier la cité, de redonner vie à des lieux, de casser l’isolement, de se
rencontrer, d’échanger, de créer, de réinventer notre folklore et de pantaier*
ensemble !
Vivre à Nice,non pas dans la carte postale, ni dans la capitale de la
Côte d’Azur mais vivre dans une ville humaine loin de la phagocytose
touristique qui transforme tous les lieux de vie en un décor et toutes cultures
en une expression figée d’un “folklore” de pacotille.
Vivre sa ville, sa culture, émancipées d’un pouvoir national centralisé
et d’un pouvoir local voué au tourisme, au paraître et à la facilité.
Se bouger et se bouger encore, du festin dei Palhassos à la Reconquista
dau Palhon en passant par les repas de rue et les carnevals independents pour
se donner le luxe malgré le cumul des problèmes de pantaier notre ville ! Se
bouléguer toute l’année, pour tout simplement être heureux d’être Niçois.
Tilo "Gòbi" Lagalla per Zou Mai
*Pantaiar en niçois c’est presque rêver, presque phantasmer. En résumé, c’est pantaier.
Pour un Mani-Feste
L’utopie est une nécessité ;
pas de volonté d’agir, de faire, sans vision utopique, sans désir, pas d’action
sans imaginaire, pas de liberté sans union.
Pour ceux que satisferait la seule notion de spontanéité, nous pourrions
répondre que la spontanéité n’exclut pas la réflexion et vice-versa. Quant au
désir de “faire la fête”, que recouvre-t-il, que recouvre le terme de fête*
pour ceux qui l’emploient ? Existe-t-il une différence entre un repas de rue,
un festin et une rave... ? Laquelle, lesquelles ? Nous abordons là au domaine
de la conscience sinon politique du moins aux motivations qui déterminent le
choix de l’action, la forme de l’action, le lieu de l’action. Aucun n’est
innocent, on ne peut vider l’action de son contenu, de son sens symbolique.
Au-delà de la question stérile : l’action préexiste-t-elle à la
réflexion, la réflexion à l’action ? Il est une dynamique créatrice de sens,
génératrice d’action qui s’impose. Il est une évidence : le choix du cadre de
notre action : la rue, la place ; espaces devenus quasiment vacants où toute
vie n’est plus que de passage et fonctionnelle. C’est ainsi que nos
manifestations répondent à la nécessité d’une pratique autre de la ville, une
occupation autre de l’espace qui sont contingentés par la seule idéologie
désormais existante, celle du marché, celle de la séparation et de la division.
Idéologie d’autant plus insidieuse qu’elle ne dit pas son nom, ne s’énonce pas
mais s’impose comme la seule pratique raisonnable, le seul modèle possible.
Se réapproprier l’espace urbain dont on nous dépossède n’a rien
d’utopique au sens péjoratif que ce terme a acquis en ces temps
d’homogénéisation forcée ; rendre à cet espace sa fonction de lieu de
rencontres, d’échanges non mercantiles, de pratique ludique, de vie en somme,
n’est-ce pas ce à quoi nous tendons ? N’est-ce pas la seule pratique qu’il nous
faille mettre en œuvre ?
Alora Viva ! Passons outre nos peurs, nos préjugés !
Jacquou per Zou Mai
*La fête a toujours été l’élément
médiateur, la consécration de l’espace comme propriété commune.
Elle est le temps des retrouvailles, irruption du sacré, rupture de
la quotidienneté et du temps a-historique par ses retours cycliques.
Pendant la fête les hommes se réapproprient l’espace et le temps
(non plus soumis aux rythmes du travail), les partagent comme ils partagent
les victuailles (le festin), comme ils usent et abusent, dépensent et
se dépensent sans compter en opposition à ce qui fonde la pratique
bourgeoise et capitaliste : le thésauriser et la valeur d’échange.
Ce qu’on échange pendant la fête ce ne sont plus des marchandises
mais des paroles, des désirs, soi-même ; la fête est don,
offrande ; transgression autorisée de l’ordre établi elle a toujours
dérangé, c’est pourquoi elle fut régulièrement
compartimentée, réglementée, parcellarisée. Devenue
spectacle, confisquée comme l’espace elle est à présent
objet de consommation, production quantifiée.