Rencontre de deux plasticiens des Diables(Jean-Claude Boyer et Maurice Maubert)

Bleus et Brèche, avec  les services d’urbanisme de la ville de Nice à la demande de la mairie. Voici le compte rendu de

la réunion.

Introduction et premier constat:

     En présence de Madame Reclus adjointe à l’urbanisme, de M.Bensa (urbanisme) M. Rochette (culture) … etc. et  des deux architectes Lacaton/Vassal.

La mairie dit avoir bien intégré le problème des Diables Bleus qu'il va leur falloir régler à brève et longue échéance.

La ville possède d'autres locaux pour continuer à peu près nos activités( je cite). Elle a fait appel à Lacaton et Vassal qui ont réalisé le palais de Tokyo à Paris, pour entrer en contact avec les artistes et connaître leurs besoins, la mairie parle de longues négociations qui commencent .

Les questions posées sont : où nous mettre? Quel type de projet?  Et ça touche la culture et l'urbanisme.

Phrase malheureuse de la mairie : « car vous n'allez pas être mis dehors demain, vous le savez ? » Reprise de volley de Maurice : «  on aurait pas la même attitude si on nous met dehors demain. »

I. Il faut tenir compte des autres. Rappels qu'il y a d'autres partenaires, troupes, groupes musicaux artistes divers qui ont des demandes similaires aux nôtres et qu'il faudra bien intégrer au projet.

2. Urbanisme et localisation. Madame Reclus nous dit qu'il va falloir tenir compte des contraintes d'urbanisme( tramway, voiries, gare, bibliothèque, cafétéria...)

Votre projet sera à proximité de la fac. Maurice demande «  Pourquoi pas à l'intérieur ? ». J’ajoute que le seul lieu de vie ici c'est nous, face au désert du campus, et que nous sommes les bons intermédiaires entre la population et l'université .Nous sommes la bonne interface sociale. notre volonté est de rester en ce lieu dans le bâtiment à l'horloge. C'est le lieu le plus logique. Car notre implantation dans la zone « façade touristique » est impossible, notre implantation dans les « zones ghetto » impliquerait une action pour laquelle nous ne sommes pas formés. Cette zone populaire intermédiaire qui correspond pour certains à notre milieu d'origine sociale parentale, ce qui facilite la communication, est un endroit idéal. De plus les bâtiments anciens sont facilement appropriables (nous n'aurions pas été aussi à l’aise dans un immeuble moderne aux murs blancs) et je souligne l'importance du volume extérieur : jardins, place. Maurice signifie qu'il en a assez de toujours partir et qu’on est bien ici.

On nous demande alors d'avoir une vision globale des problèmes de ce quartier en grosse mutations et on répond qu'on a cette vision globale.

Vient alors la première proposition de la mairie :

                 a. un lieu institutionnel en dehors du quartier, un lieu de monstration.

                 b. Un lieu de vie, d'activité, de bouillonnement culturel .

 3. Vision sociale :

Nous rappelons que nous n'avons pas qu'une vision artistique mais une vision sociale, urbanistique, que nous espérons des relations avec l'éducation nationale, la fac et tout cela dans le long terme.

Maurice demande une écoute réelle de la ville sur nos projets, qu’elle ne voit pas seulement les projets sous l’angle économique. Il exprime la crainte que la ville fasse des projets en douce que l’on va nous imposer après une pseudo consultation, un pseudo de dialogue. Il rappelle la disparition du hangar de saint Roch. Je rappelle l’ouverture, à sa place, d'un concessionnaire Peugeot qui n'a aucun intérêt pour la population. La mairie semble consciente de notre importance pour le quartier. Quelqu'un de la mairie dit : «  L'idéal serait de ne rien changer ». Je dis que si on met des archives à notre place, ça serait bien dommage. On nous reproche de ne rien comprendre aux différentes contraintes: contraintes dues à l’université et de l'armée. Les gens présents autour de la table regardent alors les plans de notre dossier « Casernes d’Angély » ...beaucoup de vert !... Nous rappelons la nécessité d'avoir du vivant, pas des plates-bandes palmiers.

La mairie explique la pression foncière( !) qui détermine sa politique. On demande que ce soit la volonté politique relayant les citoyens qui prédomine sur le marché. Il ne faut pas détruire le reste de vie populaire de ce quartier. Il faut-il consolider les liens sociaux. Je fais remarquer l'importance des espaces extérieurs, des jardins. Il ne s'agit pas seulement de mètres carrés de surface d'ateliers mais aussi de lieux agréables qui favorisent la rencontre et l' échange. Je fais remarquer que nous sommes une construction humaine avec sa valeur qui s'organise démocratiquement pour s'ouvrir au plus grand nombre. Il lui faut un lieu de qualité. Même si d’autres perspectives semblent terriblement tracées. L'économisme triomphant générera la violence. Il y a un besoin d'utopie : le lieu vivant commun, lieu ouvert. Notre relation au quartier est plus importante que notre relation aux institutions. Je dis que malgré le rouleau compresseur de l’économie  il faut maintenir le reste de vie dans ce quartier populaire et qu'il est clair que nous savons faire ce qu'ils ne savent pas faire dans ce domaine. Maurice ajoute qu'on le fait naturellement et dit que la ville ne peut pas décider pour nous. Notre gestion en autonomie est très importante pour nous. Nous avons investi cet endroit dont on  ne pourra pas nous déloger facilement...du moins sans risque politique.

4. Premier bilan pour la ville :

                       Deux priorités se dessinent donc

                   a.   la culture et le lien social : rompre l’isolement,  l'effet campus désert, il faut un lieu d'échanges.

                   b. La culture et l'image internationale d'une ville : promotion des artistes. Élitisme affiché, renouvellement de l'art contemporain.

5. Question de la mairie sur notre organisation actuelle :

On nous demande comment se gère l'arrivée de nouveaux artistes, l'utilisation des espaces. On parle du logement des artistes sur place. On explique le système de réception, d'hébergement d'artistes pour un projet. La motivation principale des artistes n'est pas le logement. Maurice dit que ce n'est pas important dans la discussion. Nos interlocuteurs semblent convaincus que ce que nous faisons est formidable !

6. La suite : il est prévu une réunion dans un délai de 1 mois, un mois et demi, Madame reclus parlant d'écoute mutuelle et de dialogue. On prend un rendez-vous avec les architectes qui viendront l'après-midi à 16 h avec M. Bensa du service l'urbanisme. L'après-midi madame Lacaton émet son bémol : elle nous dit que lorsqu'ils auront détruit la Brèche et la Source (le bâtiment qui a brûlé), qu’ils auront construit des bâtiments aussi minables que ceux de la fac,  qu'il aura le tramway (avec le mobilier urbain qui va avec) passant devant le bâtiment à l'horloge, l'endroit sera complètement différent, plus rien à voir avec le lieu protégé que nous avons actuellement, peut être qu’alors le transfert sera une bonne chose pour nous ?

Depuis est apparu la nième version du projet-mairie, avec l’extension de l’université, le projet tramway et  les équipements inérants. Ce sont plutôt les entrepôts Spada qui seraient consacrés à un pôle culturel avec une acception assez éloignée de la nôtre (!). Et le bâtiment à l’horloge reviendrait… aux archives. Plus de nouvelles d’Anne Lacaton. La DRAC est difficilement joignable.

Le ministre Duffour, de passage à Nice pour le meeting électoral de Robert Hue, a fait un petit détour au Collectif où il a répondu aux questions qu’on lui posait avec la grande simplicité qu’on lui connaît. Il a mis en place des structures qui pourraient assurer derrière lui la continuité des efforts dirigés vers les lieux culturels alternatifs. Dans le contexte actuel, nous attendrons encore un peu avant d’y croire…  JC. B. et N. C.

 

Synthèse après la réunion mairie du 8 février 2002.

 

Les pièges sont évidents, une administration qui nous échappe, des nouveaux qui nous submergent, des locaux luxueux qui nous écrasent. Bien que notre légitimité soit reconnue, cette reconnaissance du politique équivaut à un formatage c'est-à-dire : récupération, mainmise, sectorisation . Il nous faut absolument garder notre organisation autogérée, les nouveaux seront agrégés selon nos principes démocratiques sinon nous resterons de sales squatters et il  faudra nous déloger, ils doivent venir à nos projets ou rien. Paradoxalement nous avons redonné de la valeur à un lieu dont personne ne voulait.