Porte et plinthe. Soirée punk de février 2004 aux
diables bleus.
Le con, complètement
déchiré, il faisait chier, il pogotait avec les
poings. Il bousculait le type de Saorge accroché à son double piano avec ses lunettes de
conducteurs de locomotive à l’épais vitrage circulaire qui nous concoctait un
punk rock énorme et nuancé de petits vibrati modulés
par ses gros doigts agiles sur de minuscules touches de son piano. Ces doigts
gras de cambouis sortis de dedans le moteur
du camion produisaient une musique irréelle infernale qui faisait chavirer le
public un peu spécial de la soirée aux diables bleus. Il était accompagné pour
le set de son guitariste sautillant en kilt écossais à bretelles bas moulant
fuchsia sur poulaine haute et de sa bassiste fardée lourdement cheveux noirs
corbeau sur peau blanche gothique mini jupette de collégienne fendue jusqu’au
sexe bas résille sur lourds godillots cuir, attitude équivoque mais impassible
pattes écartée musicalement irréprochable efficace. Splits
le responsable de l'organisation de la soirée prit le boxeur à part, lui demanda d’arrêter. Lui imbibé
qu'il était d'une substance imprévisible et inconnue continua de plus belle de
ses moulinets agressifs. Ce genre d'incident n'arrive pas aux diables bleus :
les gens viennent là profiter paisiblement des soirées, des jardins, des repas,
des rencontres. Les soirées punk, elles sont codifiées…c’est un peu particulier :
comme un sports à hauts risques. Tu as un look Barbare pas possible, cheveux en crête de coq,
traditionnelle bière en bouteille au bout du bras, chaîne, épingle, tee shirt déchiré aux badges morbides multiples mais tu es pas
fou : on saute, on pousse,on dégagent les autres sans
le tuer sinon fin de partie : game over. Si un mec tombe au sol, tu le ramasses dans la
bousculade générale, les stridences de
la musique et des cris : le pogo est au rugby ce que le foot est au rock 'n' roll. Lui, il
avait pris autre chose que la bière bouteille traditionnelle qui sert de
carburant aux adolescents punk boutonneux qui hurlent en sautant. Il cherchait l'émeute de ses
poings vicelards le cerveau en court-circuit chimique. Fallait faire quelque
chose, Splits pris la décision instantanée de pousser
le contrevenant ingérable hors de la salle sans ménagement ...sans aucun coup porté... Moi, j'étais là presque par hasard curieux de ce
microcosme punk et de cette musique délirante je sortais d'un conseil d’école. J'étais
là et j'aidais Splits
responsable de l'organisation de la soirée. On vira le con, il chercha
bien à me faire tomber près la porte en m'attrapant les jambes et en essayant
de soulever mon corps vainement. Donc on
le vire. Déchaînés en Rigolo Charlot défoncé
il monta sur le dos des autres dehors pour apparaître en haut, de la
porte entrouverte des diables bleus magie des forces décuplées par les
toxiques. En vrai diable, hurlant haut et fort sa mauvaise foi : selon lui
il fallait interdire ce concert punk où le pogo
extrême n'était plus possible et ça au nom de la liberté ce ne sera pas le dernier
crétin à s'emparer du principe pour en faire mauvais usage. Il provoqua
quelques bagarres dans les jardins, déchaînés qu'il était, il s'en prenait à
tout le monde.
Plus tard dans un moment qu'il s'était choisi
l'animal à me fonça dessus. Moi j'étais devant la porte prenant le frais et
m'informant de la suite de l'histoire dont on avait entendu malgré le tumulte
punk quelques échos lointains. J'en défendais bêtement l'entrée de mes larges épaules.
Tout s’enchaîna, absurde, en une fraction de seconde. Il me fonça dessus,
me bouscula par surprise et réussit à pénétrer la salle qui lui était interdite,
je l'attrapais par le bras au passage et j'essayais de le tirer dehors ils se
débattent de façon insensée et démesurée.Je ne le lâchait pas tirant de toute
mes forces ce démon qui gesticulait quand tout à coup, pour une raison inconnue
il grimaça et lâcha prise surpris je continuai de tenter de le foutre dehors et
il heurta la porte, le corps mou et
rebondit sur les fauteuil de ciné en bois rouge rangés le long du mur pour
finir vautré par terre la gueule contre la plinthe. Porte et plinthe c’est ce
qu’il fit d’ailleurs plus tard. Bête accident nous n'avions échangé aucun coup,
aucune haine ne nous animait et personne bien sûr n'y comprit rien. Tout le
monde me racontait ce que je n'avais pas fait. On nageait en plein fantasme.Je
ne pus même pas m’occuper de lui dans le climat de violence et
d’incompréhension qui suivit.J’étais pas fier d’avoir transgressé bien l'interdit majuscule celui de
ne jamais pratiquer la violence même involontaire :
en aucun cas : « Zacloud tu t’es conduit comme
ton bourrin de Père qui n’est jamais tout à fait revenu de sa guerre d’avec les
allemands »
Jean-Claude Boyer