D’amour et de mort - Couple
RESPIRER CETTE PEAU
C'était un matin un peu froid, un peu triste, un matin d'hiver quoi. Je marchais vers toi sans le savoir. Tu t'avançais vers moi, tu me parlais, je voyais tes lèvres remuer mais je n'entendais pas, tant il est vrai que toute notre perception peut être mobilisée par un seul sens. C'est que je te regardais. Je t'avais déjà vu, mais ce matin-là je te regardais, regardais comme on dévore, regardais comme on se noie, et mes yeux caressaient ton visage, enveloppaient ton corps, remontaient à ta bouche charnue, si belle, à ses yeux dont j'ignorais encore la délicate bordure si douce à ma joue, à ces cheveux dont, déjà, ma main pressentait le toucher voluptueux et mon nez, l'odeur particulière qui me fait saliver. Comment se déroule le processus -je voudrais savoir- par lequel la « machine » de notre corps sait qu'elle a, en face d'elle, la peau qu'elle a toujours voulu respirer. Nicole
Fin de jachère.
Et puis un jour, vous vous apercevez que votre voisine a ouvert de bien jolis yeux verts.
Et vous êtes plein d'égards à son endroit et de désir à son envers.
Zacloud
OMBRE
Le lit et l'ombre de cette chambre. J'aime le lit, mais je n'aime pas l'ombre. Je serais faite pour le grand jour. Regarde autour de mes yeux ces plis, c'est que j'aime regarder le soleil, tu sais… Mais ton soleil n'est pas pour moi. Pourrais-je me contenter de toi dans l'ombre, je ne sais pas. Le lit et l'ombre de cette chambre. Ta peau, ton odeur, mais l'ombre et quand je cherche tes yeux, je ne vois que deux grands, immenses lacs noirs, peut-être deux trous. Ta tête de mort. Nicole
Le chrysanthème blanc.
Je me suis permis de rentrer ton chrysanthème blanc,
j'avais trop peur qu'il gèle pendant la nuit.
Si tu n'y vois bien sûr aucun inconvénient
ton chrysanthème blanc je le mets aux pieds de mon lit.
Je te le garde si tu le veux bien et je l'ai assorti
de quatre grosses bougies à chaque coin du lit,
et d’un beau crucifix.
Quand tu viendras le chercher, ne fait pas trop de bruit.
Pour moi ça ne fera plus rien mais c'est surtout pour lui.
Ce joli chrysanthème qu’a bien failli mourir
d'un froid de Sibérie.
Zacloud
VUE D'EN HAUT
Tout à coup, j'ai eu besoin d'arbres autour de moi. J'ai trouvé ce jardin. Il pleuvait légèrement, et chose rare ici, il y avait un banc de pierre grise qui se mouchetait sous l'eau. Je me suis assise en ouvrant mon parapluie. Perception bizarre. Je me voyais comme si je me regardais planant au-dessus de moi, seule, pliée sous cette pluie fine, si petite au bas de ces palmiers. L'impression d'un gâchis irrémédiable. J'ai le goût de lui. Son visage me manque. Mes doigts n’ont plus rien à modeler. Nicole
Apparition Mariale
Apparition ferroviaire
Un soir glacé d'hiver
Sous les lumières électriques du pont du chemin de fer
Pendaison, destructions, regards intenses, regards perdus, désir amer…
Mystère de la beauté en majesté sous les voûtes de pierres
Fuite avant, véloce, linéaire, nécessaire
Logique paradoxale du laisser vivre; ultime forme d'amour offert.
Interminable jachère.
Zacloud
COMME CES PAS FOSSILES…
Le temps a passé, mais ne s'est pas estompée la mémoire de ce jour. Souvenir dans ma chair, mémoire sensorielle, empreinte indélébile comme ces pas fossiles dans ce qui fut du sable…
SANS ME DONNER
Au revoir mes toutes belles, mes amours empoisonnées. Je m'en vais me promener au fil de l'eau, au fil de l'onde, dans la brume des marais. Dans les rues la pluie ruisselle, les pavés sont tout mouillés, je m'en vais me promener et m'offrir sans me donner. Nicole
Écume blanche.
Les couilles des gaillards attendent la bordée depuis de longs mois pleins.
Les putes à marins sont déjà sur la place ,elles vident les coquins.
De la mer au vagin vogue l'écume blanche.
Escale féminine parfumée aux embruns.
Les histoires de mer, de bateau, de vagin
se racontent sans fin.
Zacloud
STRINGERE… Étrangler. Le rat se sent pris au piège, il s'agite, lance à travers la pièce ce qui lui tombe sous la main, court… Je veux sortir, je ne peux pas… C'est que le rat doit chier, il vient de prendre un breuvage à chier, pour chier justement. Tout s'agite, son sang, l'influx fou qui dans sa tête zigzague de neurone en neurone. La sueur perle. Le rat, abandonné, veut sortir mais ne peut. Le rat fou, verrouille alors la porte de l'appartement, puis s'enferme à clef dans le bureau. S'il y avait un meuble où se terrer, il y pénétrerait… Sûrement jusqu'à remonter temps et espace pour rejoindre les entrailles maternelles, qui d'ailleurs n'ont pas voulu l'expulser, le moment venu. Dans ce temps-là, c'était sortir qu'il voulait, le rat… Mais sans angoisse.
Nicole
Douce vengeance.
Je lui aurais bien fait traverser l'hiver
au chaud dans mes bras enveloppée...
et elle ne serait répartie qu'au printemps renifler d'autres senteurs...
Mais elle a bouleversé le temps :
accéléré l'inexorable:
la décomposition des dents,
l'oxydation des sensations.
Elle a causé tant de dommages
que mon corps pétrifié
aimerait être le petit caillou qui lui fait mal dans ses souliers.
Zacloud
POURRIE
Pourquoi ai-je peur de ma vie ?
Pourquoi m'êtes-vous étrangers ? Tous.
Le monde est pourri.
La pourriture m'est rentrée dans le corps.
Pourri et pourrie, je ne devrais pas sentir l'odeur.
Et pourtant…
RONGÉE
Bientôt il ne restera de moi qu'une carapace légère et séchée
L'intérieur sera creux, rongé.
Alors, un vent chaud soufflera sur la terre
Mais vous ne le sentirez pas. Nicole
Rage dedans.
Ta foulée m' exaspère,
tu m'es passé devant
et montent les enchères
de ma rage de dents.
À quoi bon suivre ta trace,
je ne suis pas d'humeur
ta course me tracasse,
j' te suis à contre-cœur.
Savoir si ça se dégrade
quand ça tient si longtemps
mes dents qui se déchaussent
marchent pieds nus un temps
A quoi bon ça t'avance
d'être toujours devant
ta course me dépasse
pourquoi courir autant ?
Quand me lance les racines Refrain
de mes dents fatiguées
quand ma figure grimace,
j'ai vraiment mal aux dents .(bis)
Tu as les dents si dures
Les miennes me font souffrir
Mes quenottes me taraudent
se sont des tragédies.
Ta longue course en tête
A l’air de te séduire
Vraiment faut que t’arrête
Faudra bien en finir.
Ta mère était sportive
et mon père dentiste
j'ai de mauvaises dents
et toi tu cours si vite.
Si tu cherches quelque chose
Dis le moi ,je t’en prie
Du temps dont je dispose
je veux bien t’investir.
Quand me lance les racines Refrain
de mes dents fatiguées
quand ma figure grimace,
j'ai vraiment mal aux dents .(bis)
Molaires et canines
sont bien trop ballottées
Ta névrose m'indispose,
elle ébranle mes dents.
C'est pourquoi j’ te propose
si tu veux écouter.
Il faut faire une pause
pour y voir dedans.
Lancé sur ton orbite
ma belle dulcinée
parfois tu exagères
rien ne peut te freiner
si tu cours aussi vite
à tes questions mort-née.
comme autant de réponses
Je resterais muet.
Zacloud
KERMESSE IMPLICITE DE L’ADIEU…
Ce sont mes derniers mots pour toi. C’est écrit.
Je les dessine au jus noir de jusquiame et quand tu les liras, leur encre délétère, au travers de ta peau, te caillera le sang comme ta trahison a pétrifié ma vie.
Ta figure anguleuse d’ascète aristo, l’arrête escarpée de ton nez, ta bouche
en forme d’interrogatoire… leur charme a disparu sous la boue des mensonges.
Je ne donnerais plus maintenant un zloty pour t’avoir.
L’enfièvrement s’est mué en nausée.
Je t’invite à deviner quelle veuve je serai.
Nicole
Dessus, dessous.
Un jour la terre que tu as sous les pieds.
Tu la regardes bien …
Et tu comprends que c’est elle qui aura bientôt le dessus.
Zacloud
Rencontres
LA CHINOISE. Je l'ai croisée. Visage pointu, regard intense. Mes yeux sont revenus à elle après l'avoir juste effleurée. Vertige. Nous étions comme accrochées…
À petits pas, comme une Chinoise, cinq six petits pas, un arrêt, cinq six petits pas, elle avançait. Je l'avais vue venir d'abord sans intérêt particulier…
Après avoir lâché son regard je la laissais derrière moi, mais je me suis retournée sur elle, pauvre silhouette vieille, dans un étrange manteau de velours vert, étrange pour la saison. J'ai eu envie de la suivre, de lui demander ce qu'elle avait voulu me dire avec ses yeux de raisins noirs, car j'en suis sûre… elle avait voulu… Mais j'ai continué, envahie de désespoir. J'ai regardé le ciel à travers les feuilles, que j'aime tant, d'un olivier de ce jardin que nous longions. Il faisait lourd et gris et pourtant bleu dans mon souvenir, bleu intense et irisé. J'avais envie de hurler, j'étais muette et j'entendais mon cri ricocher contre les os de ma tête, et les larmes venaient.
Elle marchait à petits pas vers sa mort, je marchais à pas encore vifs vers la mienne et sa mort me semblait intolérable… Ou était-ce la mienne?
J'ai basculé un beau jour, contre toute attente, dans une vieillesse que j'imaginais sereine, or elle m'emprisonne et je me cogne à ses barreaux. Il n'est plus un jour, plus une heure où je l'oublie. Elle m'habite contre moi. Parfois je me sens étrangère. C'est ça, elle m'a rendue étrangère…
Nicole
Chinoise
Elle avait l'oeil tout rond d'une maman poisson.
De paupières néni.
Pas de fronces aux sourcils.
Ses cheveux queue de belette
couvraient son poisson lune.
D'une bouche ,petite, sortaient des cris de souris.
Son nez ne faisait pas un pli.
Zacloud
UN SECRET
Dans la rue, il y a des femmes qui sourient.
Elles écoutent une musique dans leur tête.
Elles ferment - pas tout à fait - leurs lourdes paupières.
Elles cherchent le goût de l'air ou du soleil sur leur peau.
Derrière leurs yeux il y a des corps puissants et sombres
Qui s'agitent et les renversent sur des tables.
Derrière leurs yeux c'est le sabbat, les bacchanales.
Elles sont jeunes ou mûres ou vieilles.
Elles glissent sur les trottoirs comme vos regards glissent sur elles.
Mais moi, en les voyant, je sais ce qui anime leur démarche.
Derrière leurs yeux il y a un secret que je partage avec elles. Nicole
Grattages.
Les hommes des peuples pauvres et opprimés se touchent par intermittence la bite et se remettent en place les couilles comme pour vérifier si les derniers trésors qui leur restent sont toujours présents entre leurs jambes.
Quant à moi, je me gratte la tête quand j'hésite.
Zacloud
REGARDS
Parfois
Comme un éclair l’échange
Et dans la tête après se déroule la fête ou le désespoir
Comme un éclair
On voudrait le retenir il a déjà glissé ailleurs
Autrement
Il insiste La tension dure
On a le temps de voir le noir qui transperce
Les stries qui parsèment la couleur
Le soleil qui tape éclaircit l’iris
Fondre
Autrement
Il est derrière des paupières
Il flotte quelque part loin de moi
Et je ne peux m’y rendre
Autrement
Il est encore sous des paupières
Mais cette fois je sais le secret
Je le partage. Nicole
Tango
J'ai ma douleur qui danse
mon corps aux os qui flanchent
se déhanche en cadence.
D'un tango qui balance
je survis. Elle sévit…
Ta fente sur ma cuisse
ma robuste inconnue
Ma main sur ta hanche nue…
Nos viscères accélèrent
à l'ombre d'un corsage
Tout en corps contre peau
D’la beauté on s'en fout loin s’en faut.
Je pleure quand je m’épanche
dans le monde bien étanche
Du tango plein d’outrances
Et la douleur me tue
Au beau milieu des planches.
Dans la lumière crue,
Je m’offre sans résistance
affolé par la danse, envahi par la transe
je flotte comme une branche
sans port ni retenue
sur une mer de larmes répandues.
Un sourire pourri, je me balance
elle tangue ma souffrance
elle attend se lever dimanche.
Zacloud
PORTRAIT BESTIAIRE
Visage kaléidoscope. Surprise du bestiaire. Je te vois brusquement en découpage. Petit museau pointu de Renard. Grands yeux de Chat aux pupilles évanescentes. Tes cils épais comme une fourrure de Martre savent la danse des Papillons. Narines palpitantes de mufle de Souris dessinées à l’encre de Seiche détectant le moindre effluve importun. Grimace de Ouistiti ! Pommettes de Puma mongol dont ma langue voudrait le goût. Jolies oreilles en Ormeaux de nacre… qui savent pourtant si bien se fermer. Et tu effaces le tout d’un simple mouvement de ta crinière léonine et nous laisses affamés et lourds, pauvres phoques échoués sur l’autre rive. Nicole
La danseuse du ventre est une ego centrée
La danseuse qui du ventre oscille
pense ,dans l'espace mobile ,que
le monde tourne autour de son nombril.
Le regard des hommes offre un puissant mobile
à ses contorsions subtiles.
Le rayon de leurs yeux fébriles et enflammés
vise le beau milieu de ce ventre servile
qui distille en retour des messages subtils
à leurs pistils érectiles
que ce petit creux gracile obnubile. Zacloud
Intimité
Posture singulière
Ma volonté s'étant dissoute
par une chaude matinée d'août
il avait entrepris de prendre la route qui lui était devenue familière,
impossible de m'y soustraire,
même si je la redoute cette posture singulière... Zacloud
Animaux
CE CHAT
Ce chat sur mon coussin me bouffe la figure
Un chat sur un coussin, ce n’est pas la nature
Ses poils à mes cils emmêlés me grattent la cornée
Ou me piquent le nez
Non content d’occuper ce petit territoire
où ma tête repose
Il se met à grincer, racler à tout berzingue
comme une casserole, au lieu de ronronner
comme au matou son rôle.
Comme il veut me lécher ou que je le regarde
Il étire sa patte jusqu’à ma chair fragile
Et comme un hameçon il me pique au sang et
déclenche des hurlements
qui le laissent pourtant tranquille…
Un chat sur un coussin, ça ne fait pas de bien.
Nicole
Si l’homme est bon, meilleur est le cochon.
REFRAIN
Du groin jusqu'au croupion
jambon cru saucisson
comme à chaque saison
dimanche on tue le cochon.
Elles sont rondes elles sont pleines.
Pour un oui pour un con
elles montent et elles descendent
sans qu'on leur dise non.
Tu atteins la bonne taille.
Tu prends d' la dimension.
Ne cherche plus canaille
la moindre approbation.
J'avais pourtant la chose en main
du jour au lendemain
tout est parti en eau de boudin
j'avais plus d'cul
j'avais plus d'sein
c'était fini sans le mot fin.
Anorexie printanière et fantasmes d'os pénien.
Chatte câline qui miaule si fort.
Tu as faim je le devine.
Faut pas rester dehors!
Rentre vite dans ma chaumine.
Je vais te décrocher ta lune
sur sa ligne d'horizon
et nous regarderons au loin
la même direction.
Zacloud
Avenir
LE ROI RENÉ
Mon père rêvait de lendemains qui chantent
Il m’en donna le goût
Et moi, je le sais bien qu’ils ne viendront jamais
Et pourtant je l’oublie et je me mets à croire
Je me mets à rêver de lendemains qui chantent
Et à penser à lui si entier si buté si…
Le roi René est mort, prince de l’impossible
Et ce qu’il m’a légué je le porte en mon cœur
Je le porte comme une bannière
Il est mort sans jamais avoir vu gagner l’embryon des lendemains qui chantent
Moi aussi je mourrai sans jamais voir gagner la terre et le vivant, l’amour et le partage, la fête et le savoir… des lendemains qui chantent.
Vous aussi… et vous pouvez pleurer. Nicole
Ma machine à laver
Quand j'ai appris que ma machine à laver le linge était révolutionnaire
j'ai tout de suite pris mes pinceaux pour y peindre dessus un portrait d'Ernesto Che Guevara.
En fait je n'ai fait que recopier son image sur un T-shirt le représentant, que j'avais acheté à SODIM à l’endroit même où j'avais acheté la fameuse machine à laver le linge.
Et en effet, avec le temps elle est morte comme lui : trahie par une machinerie /machination abjecte en véritable héroïne révolutionnaire .
Je l’ai enterrée sur le Larzac près de Millau.
Zacloud
JE PLEURE
je pleure et ils y voient de la faiblesse
qu'est-ce que ça peut me faire
je pleure de rage, je pleure comment on crache
je pleure pour leur dire mon mépris
je pleure comme on crie
mes larmes dans cette terre, mes larmes sur ces pierres
je pleure et tu crois que tu m'asservis…
je pleure pour ce qui disparaît
je pleure sur ce qui reste
je pleure pour ce qui va venir
je pleure pour ne pas m’adapter
mes larmes pour résister, mes larmes pour rire encore
je pleure pour être libre
je pleure et tu crois que tu m'asservis… Nicole