VOL.1 / MONOGRAPHIE
Casernes d'Angely
Le site des casernes d'Angely a été ouvert à Nice le 16 juin 1999.Confrontés au déficit de lieux de création,de rencontres et après trois mois de concertations ayant permis de forger de paroles collectives,certains
acteurs culturels locaux décident de passer à l'action en occupant des lieux désaffectés.
Après les Diables Bleus
et la Source, le collectif Artistique Fare prend lui aussui possession d'une
aile des anciens
Bâtiments militaires situés dans un des derniers quartiers populaires
de Nice.
Cette initiative s’inscrit dans un contexte niçois particulièrement
difficile, où le travail mené par le secteur culturel et social
en matière associative
est peu ou pas reconnu par les institutions. La volonté municipale
de ne pas soutenir ces structures complexifie grandement la possibilité de
réunir un partenariat
autour d'actions qui lorsqu'elles réussissentà être produites grâce à l'engagement de ses promoteurs
ne sont pas intégrées à une problématique de développement culturel local.Malgré cette pression sur les
initiatives artistiques et sociales portées par des acteurs locaux, un mouvement de réaction
est devenu perceptible dans la ville, notamment avec l'apparition à partir de 1995 de groupes artistiques reconnus nationalement, qui au-delà de leur notoriété régionnale comme nux vomica, le carnaval indépendant de st roch.
La resistance souterraine tenue depuis plusieurs années et manifestée par le refus d'expatriation trouve avec l'ouverture
de la caserne d’Angely un véritable écho politique, médiatique, culturel et social.
Une reconquête urbaine, politique et artistique
L’occupation de ces locaux désertés par l’armée est un véritable acte de reconquête qui combine
plusieurs dimensions.Tout d'abord cette reconquête est urbaine puisque des lieux abandonnés durant
de longs mois et dont la destination finale n'est pas encore arrêtée
sont remis en état.L'intervention des membres des différentes associations
a permis d'éviter une trop grande déterioration des locaux à une exception
près( la source-En effet une des trois ailes a été occupée
par l’association La Source, qui était sans doute la structure
la
moins organisée des trois. Un groupe électrogène
défaillant a provoqué un incendie qui a détruit
partiellement le bâtiment. ).
tout au long du temps d'occupation, les actions menés vont permettre d'utiliser des espaces qui n'auraient sans
cela produit aucune valeur.
Ensuite cette reconquête est politique. Confrontés à une
absence de
dialogue avec les collectivités publiques, des citoyens décident
de prendre en
main leur avenir en inventant un projet collectif d’ordre public associant
des
dynamiques artistiques, culturelles et sociales. Considérant leurs démarches
comme légitimes, les membres des collectifs entrent en rapport de force
avec le principal interlocuteur local, la municipalité, qui communique
dans le
même temps autour du slogan “La culture, l’autre soleil des
Niçois”. Cette
violence institutionnelle se traduit donc très vite en un affrontement
politique
fondamental sur la place de la culture dans la société. Enfin
cette reconquête
est artistique car sans espaces de travail, le tissu local
ne peut s'exercer, ni à sa discipline ni au
rapport aux publics.Dans une ville où l'essentiel de la politique culturelle est consacrée au prestige, le
désir de cultiver d’autres
mode de fabrication est essentielle à la
production artistique vivante. Ainsi, le regroupement opéré sur
le site de la
Caserne de Saint-Jean-d’Angely permet une mutualisation et une confrontation
des
compétences dont les potentialités artistiques sont bien évidentes.
De juin 1999 à
juillet 2000, la
précarité de l’installation nécessite une pouvoir
rejette le domaine du
vivant, de l’humain, et s’instaure dans un domaine de gestion de
la
mort. Et la gestion de la mort provoque le fric. Si on refuse ça
pris une position radicale consistant à ne pas demander
de financement implication totale on est obligé d’entrer dans un
public quant au
des principaux processus d’opposition, illégal, fonctionnement du
animateurs du site. parce que la politique a envahi lieu, au nom de
Pour être sur tous les fronts à la fois, déblaiements, travaux,
sécurité,
animation plusieurs des membres des associatons devront renoncer à des
situations professionnelles plus stables.
L’absence de convention et l'opposition farouche de la ville à l'implantation de ces activités bloqueront durant neuf mois l'ouverture des contrats de fourniture d'eau et d'electricité
C'est à partir de juin 2000 que la situation de ce qui n’est alors
qu’un squat pouvoir évoluer, avec la signature de
baux précaires avec l’université de Nice. La visite de
Michel Duffour également permettre d’engager
avant l’Etat et le conseil régional qui décident de soutenir
le lieu en aidant le
financement des travaux de sécurité soutien plus direct des institutions,
indispensables
Le fonctionnementdes structures
Les deux sites fonctionnent selon des principes différents. Le principal
point
commun étant la solidarité effective existant entre les différents
intervenants
des projets.
Le site des Diables Bleus est fondé sur l'expérimentation sociale
et fonctionne
en autogestion. L'association qui a été constituée n'a
pas de président mais
seulement des membres d'un bureau élus parmi le conseil d'administration."
Au sein du conseil, les décisions se prennent à l'unanimité et
aucune
personne n'est rémunérée pour assumer des fonctions collectives".
L'association a d'ailleurs pris une position radicale consistant
à
ne pas demander de financement public quant au
fonctionnement du lieu, au nom de l'indépendance politique et culturelle.
Seules les activités portées par les associations résidentes
peuvent
faire l'objet de subventionnement.
l.a revendication des Diables Bleus est d'obtenir la mise à disposition
d'un lieu si possible mis en
sécurité, le reste des coûts étant assumés
par les cotisations des résidents. Le positionnement des
Diables Bleus vise également à une meilleure utilisation possible
des fonds
publics, car ils considèrent que les travaux de rénovation doivent être
réalisés à moindre prix. C'est pour cela qu'ils revendiquent
la maîtrise d'ceuvre de la "réhabilitation" et l'usage
de la
récupération. L'association Fane souhaite, quant à elle,
un soutien plus direct des institutions,
revendiquant une égalité de traitement, en terme territorial
par exemple. L'association fonctionne plus sur le
principe de la mutualisation des moyens avec une délégation des
services communs à des salariés. Un poste a été
ouvert en emploi jeune, afin de libérer un peu le travail de création
des différentes
compagnies qui s'étaient beaucoup investies dans l'organisation du lieu.
Le site
“
Un lieu chaud où bruit la vie”
Située dans un quartier populaire, entre le port et Bon Voyage, la Caserne
d’Angely
est une friche militaire à laquelle on n’accède qu’après
quelques détours4. Après avoir
contourné un bâtiment universitaire construit récemment,
le visiteur se retrouve au
milieu d’un grand parking délaissé occupé par quelques
voitures et les traces
d’activités publiques organisées sur le site depuis dix-huit
mois. Les deux collectifs
utilisent actuellement deux ailes qui se font face représentant chacune
un peu moins
de 2000 m2. L’association Fare gère le bâtiment nommé Théâtre
de la Brèche. Le
collectif des Diables Bleus gère l’autre bâtiment. Derrière
de grandes palissades, on
devine aisément les autres friches, toujours propriété militaire,
qui accueillent encore
quelques entraînements du GIGN sur près de trois hectares.
La Brèche est organisée sur 4 niveaux. Le rez-de-chaussée
est consacré à l’accueil, au
bureau, à une cuisine commune et à un espace qui pourrait devenir
public afin
d’accueillir en toute sécurité la diffusion de certains
travaux (15/7 avec 5m de haut).
Les niveaux supérieurs sont des studios de 100m2 , chacun avec deux
expositions et
une desserte facile par trois escaliers. Les affectations de ces espaces ont été faites
aux
associations résidentes (une ou deux par espaces) et sont aménagées
sommairement
en fonction de l’activité. Une des salles est dédiée
aux projections audiovisuelles et
cinématographiques.
La maison des Diables Bleus fonctionne sur le même principe. Au rez-de-chaussée,
on
retrouve un atelier technique collectif, une salle de répétition,
un foyer salle de
rencontres polyvalente, une cuisine. Les deux étages accueillent dans
des espaces
plus réduits les associations. La configuration des lieux est plus proche
d’une activité
associative (type maison des associations) que culturelle. Un garage situé à proximité
de la bâtisse principale va être aménagé en lieu
d’exposition. Les espaces extérieurs
ont une importance fondamentale, car ils permettent toutes sortes de rencontres
conviviales notamment autour des repas collectifs.
Les structures
résidentes du site
Le site est aujourd’hui structuré autour de deux projets autonomes
développant de nombreuses passerelles. Les résidences sont programmées,
pour
les deux structures, sur le mode de la cooptation. Les Diables Bleus regroupent
aujourd’hui 250 adhérents
et une
dizaine de porteurs de projets dans les domaines du spectacle vivant, de la
participation citoyenne, des arts de la rue, de la communication locale, de
la
musique et des arts plastiques. Fare qui gère La Brèche regroupe
une
cinquantaine d’artistes réunis soit dans des compagnies professionnelles
ou en
voie de professionnalisation, dans des associations, ou indépendants,
dans les
domaines du théâtre, des arts plastiques, du cinéma, de
la musique.
Réseau
Le site développe des projets en
imaginant des collaborations territoriales pouvant avoir des conséquences économiques
favorables. Ainsi
un lien étroit s’est installé entre l’arrièrepays
et la caserne avec par exemple la
mise à disposition dans la vallée de la Roya d’une Gare à Saint-Dalmas-de-
Tende (60km de Nice) qui accueille des résidences artistiques ou la
mise en
place d’un marché biologique à la Caserne, garantissant
le lien direct entre
le producteur et le consommateur, ou encore une programmation double en
termes de cinéma. Dans un autre registre, la friche la Belle-de-Mai
a
é
galement été sollicitée pour transférer certaines
compétences en matière de
sécurité du site ou d’échanges informels.
La programmation
publique du site
Le site a, depuis dix-huit mois, ouvert
de nombreux chantiers de programmation. Cette ouverture au public a été
bien sûr, un élément indispensable de la défense même
du lieu. La program-
mation est une accumulation qui s'organise et se structure dans une démarche
empirique. Cette démarche
se qualifie différemment entre les Diables Bleus et Fare. En effet, les
Diables
Bleus accueillent sur leur site
exclusivement "leurs adhérents", ils considèrent que
l'esprit
du lieu endépend, puisqu'il est fondé sur l'auto-
gestion et la participation directe.
Néanmoins, les Diables Bleus initient ou s'associent à de nombreuses
programmations
sur les espaces libres de la caserne ou sur des espaces publics de la ville.
Le
désir de
développer dans un des espaces situé à proximité de
leur bâtiment principal, un
"
lieu d'exposition" montre paradoxalement leur attachement à l'accueil
du
public sur leur site. Pour Fare, l'aménagement d'un lieu d'accueil public
est une
nécessité à la fois pour présenter leurs créations
et à la fois pour installer le site
dans un territoire niçois peu équipé en termes de salles
intermédiaires,
La programmation du site se développe ainsi et tente de faire se rencontrer
des
démarches de nature différente, associant des amateurs et des profes-
sionnels. D'Octobre bleu, qui a réuni en un mois près de 2000 "spectateurs-
visiteurs-participants", au bal occitan avec "Les violons du Rigodon",
au
spectacle de rue "Les Arrosés" sur la place Saint-Roch, en passant
par les
rendez-vous réguliers des "mardis bleus" ou de la programmation
cinéma,
les occupants de la caserne installent un rapport profond avec la population
en
termes de rencontre publique, multipliant les formes utilisées. Cette "énergie
programmatique" traduit bien
cette volonté d'"exister dans la ville" en palliant les déficiences
criantes de toutes les politiques d’animation.
Certes le
vide-grenier ou la toute dernière journée “Au bout du monde,
festival
néolithique” ne facilitent pas l’identification d’une
politique artistique
“
cohérente”. Ce foisonnement est source de nombreuses incompréhensions
avec les institutions, qui,
lorsqu’elles ne sont pas, comme la Ville, farouchement opposées
au projet, ne
peuvent appréhender avec leurs critères la globalité du phénomène.
Evolution du site
et perspectives
Proche du nouveau pôle universitaire, les deux bâtiments occupés
et le
bâtiment qui a été partiellement détruit par un
incendie doivent être
transformés en résidence universitaire d’ici deux à trois
ans. D’autres bâtiments
situés à proximité sont désaffectés et sont
propriété de l’armée qui les utilise
peu. Ceux-ci font partie du portefeuille de la Mission pour la réalisation
des
actifs immobiliers qui cherchent aujourd’hui une nouvelle affectation
au
site. L’évolution de ce site de 3 hectares reste aujourd’hui
très ouvert. Une des
associations (Diva) a lancé un projet de consultation sur le quartier.
Par un
travail d’enquête vidéo et de projections successives menées
comme une
intervention de rue, le groupe d’artistes tente de nouer des contacts
et de
susciter la curiosité des passants, des habitants, sur le principe de “prendre
et
faire, ne surtout pas attendre”. Ce travail est à la fois une
ouverture sur
l’imaginaire et un travail concret basé sur les expériences
de chacun avec l’armée, l’université,
les élus, les écovillages… De
cette étape d’échanges et d’information au projet,
il n’y a parfois qu’un pas qui permet
de lancer les premières idées de programmation en termes d’espace
public boisé (la
forêt des Diables Bleus), d’équipement
socioculturel révolutionnaire (un palace
social) ou encore d’un centre culturel…
La caserne est située dans un contexte politique et urbain particulièrement
sensible. Le potentiel que représente cette aventure doit pouvoir être
codéveloppé avec les institutions
qui
considèrent que la dynamique culturelle est une dynamique essentielle
de la
transformation politique et sociale. Les axes de travail à développer
seraient d’une part, d’appréhender l’aménagement
du site de façon
provisoire et d’autre part d’analyser la nature du projet qui pourrait
se
structurer au travers de cette expérimentation-préfiguration
menée à la
caserne. D’autre part la synergie possible avec l’université est
un
potentiel exceptionnel qui nécessiterait
un renforcement des relations, pour la production de projets communs
ambitieux en termes de formation et
de création artistique12 ; et d’ailleurs de nombreux liens existent
déjà avec la
section arts du spectacle de l’UNSA
d’où certains artistes du site sont issus et/ou certains artistes
du site interviennent comme formateurs.
Repères chronologiques
mars 99 création
juin 99 occupation de la caserne par
les Diables Bleus
sept 99 occupation par FARE
mai 2000 visite de Michel Duffour et
signature d’une convention
renouvelable tous les ans
avec l’université
mars 2001 Festival Espace libre en
partenariat avec la section art
du spectacle de l’université