Réunion mardi 3 mai – Les Diables bleus  Le passé - L’avenir

 

 

 

 

Premier témoignage Brèche

Je crois que c'est trop tôt ! La destruction s'est passée en novembre, décembre ;  je n’ai pas encore eu le temps de faire le bilan. Oui, j'ai envie d'un lieu mais il me faut pas mal de temps de réflexion pour repartir sur quelque chose ensemble. Quand et pour faire quoi, qu'est-ce que vous proposez? Qu'est-ce qu'on propose à la ville, aux Niçois, aux [gens des] alentours, au public. Est-ce que c'est pour se faire du bien, est-ce que c'est pour se faire du mal. Parce que moi j'ai donné cinq ans pour la collectivité vraiment. Je viens d'avoir 30 ans je suis arrivée je n'avais 25. Et toutes ces années-là je n'ai pas vécu un moment pour moi parce qu'il y avait le Collectif, je partais en vacances je pensais au Collectif. Là, lundi je n'ai plus les réunions, je fais autre chose. Pour aller répéter c'est le système D, on demande aux théâtres, qui nous accueillent les bras ouverts pour répéter gratos. Théâtre de la Semeuse ou Francis Gag nous offre cette facilité. Là, du coup, je rencontre des gens que je n'ai pas rencontrés quand j'étais aux diables [ la Brèche] parce que c'était plus facile d'être ensemble parce que c'était la grosse famille avec ses bons côtés et ses mauvais côtés. Depuis trois mois je fais beaucoup plus de choses, je vais beaucoup plus loin, je dépasse les limites, la frontière de Saint-Roch.

La hiérarchie qui ne devait pas exister était évidemment là et pas formulée. Et des gens qui profitent, qui profitent de la faiblesse, de ma faiblesse parce que je ne suis pas capable… C'est dans le milieu artistique qu'on trouve ça. Mais là particulièrement prononcé. Parce qu'il y a l'ego, les pathologies de certains, je parle de la Brèche... Ça s’est très mal terminé. Il y a des choses super lourdes encore, il y a des gens que je ne veux plus revoir. Mais tant mieux que ça se soit passé comme ça. Maintenant on sait un peu mieux où on veut aller. C'est cette hiérarchie des gens qui abusent, des gens qu'on vire trop facilement. Des décisions qui sont prises arbitrairement. Parce que le bâtiment était trop grand, c'est sûr et impossible à gérer. Les vrais Diables Bleus ça a duré deux ans. Les deux premières années. Ça s’est terminé à l'incendie de la Source. Quand les Arrosés ont commencé à ne plus venir. Quand ce n'était plus ce brassage, ces échanges… Je n'aurais jamais cru en débutant dans ce lieu qu’on allait travailler pendant cinq ans. On a bossé avec une épée de Damoclès sur la tête tout le temps sans savoir ce qu'il allait arriver demain. Ça nous a fait accepter beaucoup de choses, beaucoup de gens, donc beaucoup trop. Ça nous a fait aussi refuser beaucoup de gens parce qu'on ne savait pas ce qu’allait être demain. Peut-être on n'a pas fait les bons choix pour ouvrir nos portes, aussi bien que les fermer. C'est très compliqué. Pour moi la destruction c'était le moment, il fallait que ça arrive. Et quand c'est arrivé j'ai soufflé. On ne savait pas la date de la fin et enfin je la savais. Maintenant il va falloir savoir construire un accueil y réfléchir prendre son temps et pas faire tout d'un coup n'importe comment. Je pensais à J., nous on le connaissait J. on savait qu'il n'allait bouffer personne nous on l'acceptait parce qu’on savait qu'il était sympa. C'est un exemple mais parce que c'est hyper visuel. Il y a plein de gens qui ne venaient pas parce que il y avait J. Mes supers copines ne venaient pas sans moi et ne seraient jamais venues seules aux diables bleus, elles avaient peur sans moi et quand ma mère débarquait mon dieu… On n'a pas eu un regard objectif parce qu'on était à fond dedans et on ne sentait pas l'impact que ça pouvait avoir sur les autres. J'ai fait du social pendant trois ans avec la mairie et les voisins et les diables bleus au milieu. Je suis passée au social, à rattraper le mec au troisième étage de la Brèche qui va sauter, le mec qui se cisaille, qui est plein de sang, le mec qui tombe de l'escalier, voilà, voilà.... Et des gens qui n'étaient pas là et qu'on a jetés un jour au début des diables, il ne fallait pas  leur en parler... Quand ils ont lu sur le journal la destruction, ils me disaient « que tiens quoi c'est bien fait », je discutais avec eux,  je les comprends très bien, c’est qu'un soir ils sont venus et on leur a mal parlé, c'était l'époque où il y avait E. Le mec a dit « les diables bleus j'y remets plus les pieds ». 

 L'ouverture elle s'est faite dans un esprit saltimbanque. Même si les gens ne se ressemblaient pas, je pense que c'était "allez, on y va !" prend la masse, on casse les murs, on s'installe ...prise de risques... Je ne retrouve plus cet esprit au bout de cinq ans. On avait un esprit léger de gens habitués à la rue. Les gens n’ont plus trop osé et du coup on est entré dans un train-train et on a perdu tout ça. Il me manquait du saltimbanque à la fin. Il faut une période où l'on vit les choses pour soi et puis après on repart. L'objectif des diables bleus c'était : accueillir du monde, accueillir du public, accueillir les artistes qu'il y ait de la place pour tout le monde,  un engagement des gens, déléguer, avoir confiance aux gens, des gens qui vivent sur place, c'est énorme et en même temps c’est ce qui fait la richesse, accepter l'un de l'autre, prendre des décisions.

      Mais voilà pour l'avenir, il faut définir les objectifs, qu'est-ce qui est le plus important ? Que les artistes aient de l'espace pour travailler et faire des soirées ponctuelles bien réfléchies au niveau de l'accueil, ou bien  faire de la diffusion, gérer l'énergie de chacun pour tout ça ou alors  faire un lieu ouvert et plutôt basé sur l'accueil du public. C'est ça que j'attends comme réponse. Il faut mieux cibler les objectifs et ce qui est génial c'est qu'on peut faire un bilan complet. Je trouve que notre bilan est super positif. On a tout fait je crois. Maraldi c'est temps mort. Temps de réflexion pour ne pas faire n'importe quoi. Ici à Maraldi on vit un peu sur la nostalgie... Ça m'a fait un peu peur de venir ici. C’est pour ça qu’ici il ne peut pas se passer grand-chose.

 

Deuxième témoignage   DB

Je suis venue aux diables bleus il y a trois ans. Des charges j'en n'avais pas. Je peux dire ce que j'ai entendu après la destruction. Il y avait des personnes beaucoup moins présentes que moi sur le lieu et qui ne venaient que pour les soirées et qui ne venaient pas par ailleurs parce que elles ne se sentaient pas intégrées. Dans le sens où tout le monde sur le site se connaissait très bien, comme une famille, tout le monde se disait bonjour et se parlait .A moins d'être d'un naturel très ouvert et prêt à discuter facilement…les gens ne sentaient pas l' échange. Ça se sont les échos que moi j'ai eu. Personnellement si quelque chose se fait demain je n'investirai dans la mesure de mes moyens. Ce que j'ai le plus entendu c'est qu'ils n'arrivaient pas à se poser parmi nous... Si on voulait venir et être tranquille hé ! bien on était tranquille. Personne ne demandait rien à personne. Certains auraient aimé que l'on aille vers eux et qu'on commence un échange, qu'on leur demande qu'est-ce que tu veux faire ? Personnellement je me suis sentie bien sur le lieu, j'ai commencé à parler aux gens, j'étais bien. Ça dépend de la personne. Il aurait fallu prévoir un accueil. Moi je n'ai pas ressenti ça personnellement mais d'autres ne sont plus venus que pour les soirées et en groupe. Si tu ne viens que pour des soirées tu trouves des occasions de soirées ailleurs. Ceci dit ce n'est pas pareil, ce ne sont pas les mêmes soirées que l'on trouve ailleurs, ce ne sont pas les mêmes tarifs,  pas les mêmes ambiances, c'est clair il y a un grand vide. Les gens sont là pour suivre. Ils attendent pour savoir ce que vont faire les diables passivement. Lorsque les diables seront reconstruits, ils seront là de nouveau. Ils attendent l'impulsion. Personnellement je n'ai pas le temps avec ce que je fais pour tenir une position centrale, pour gérer trop de choses ; ça je ne peux pas mais par contre je peux être là pour aider.

 

Troisième témoignage DB

Pour moi premièrement au niveau travail ou pour moi individuellement, il y avait une relation au public. J'ai entendu des gens dire « Je suis venu aux diables bleus mais j'ai mis deux ou trois fois avant de pouvoir me sentir à l'aise ou je suis venu parce que je connaissais une personne...  Il y avait ce côté-là. Maintenant, j'ai la chance d'être au Hublot mais les conditions de travail ce n’est pas la même chose. Ce que je regrette le plus ce sont ces rencontres que j'ai pu faire aux diables bleus. Et le contact avec les différentes personnes qui travaillaient sur le lieu. Ce qui m'a marqué par exemple pour Le Village, «  le spectacle Le Village », il y avait carrément tout le monde qui avait travaillé dessus. J'avais donné un coup de main pour l'affiche. Pits avait fait l'enregistrement,  il y avait une multitude de choses qui se sont faites et c'était grâce au lieu. Les gens se plaignaient qu’un programme mis pour neuf heures ne commence pas à l'heure.......

 

 

Quatrième témoignage DB

Moi j'habitais à 200 Km d'ici j'ai fait connaissance de M. (jamais je ne suis resté aussi longtemps avec une femme) et quand j'ai vu les diables bleus, les activités des gens qui ont envie de bosser ensemble… ça c'est un truc, un échange ici que je n'ai jamais vu ailleurs. Et moi je pense aux jeunes qui ont 25 ans et qui ont passé cinq ans ici qui n'ont jamais fait autre chose que ça. Qui ont besoin de faire une pose dans la vie, je pense ça tout à fait normal. Moi je n’ai jamais vu ça ailleurs… Si j'ai vu ça quand j'avais 18 ans en Suisse. Mais il y a longtemps. Moi ce qui me trouble c'est de lire dans le journal que les diables bleus c'est SPADA, ce genre de conneries, les diables bleus c'est ici. « Ils » veulent absolument qu'on n'existe plus. Il faut qu'on ait des activités, des repas de rue, qu’on montre un peu aux gens qu'on existe encore.

 

 

Cinquième témoignage DB

Moi je veux rajouter quelque chose, pas en tant que diable bleu, mais en tant que personne : ce que les diables bleus m’ont apporté c'est non seulement ce mélange d’activités, de gens ayant des domaines respectifs réservés mais permettant aux autres d'en profiter, mais c’est encore et surtout cet aspect un peu village. Une espèce d’échantillon de population, pas un ghetto… différentes couches d'âge se côtoyant, là je parle pour moi, avec l’âge que j’ai c'est un aspect vraiment très important. Je l'ai d'autant plus découvert que ça n'existe plus ailleurs. Il n'y avait pas ce cloisonnement que l'on trouve en général dans les lieux où il se passe quelque chose. Il y avait ni le cloisonnement dans le type d'activité, la musique ça allait de l'Electro à la musique Trad ; on ne faisait pas partie d'un groupe qui n'aimait qu’une seule chose, on ne faisait pas partie d'une catégorie d'âge qui ne s'employait qu’aux activités dévolues à sa catégorie d'âge. Pour nous c'était quelque chose de particulier et de riche que de vivre dans cette diversité là. Même si pour d'autres ce lieu a pu paraître fermé, pour moi c'était l'endroit idéal où l'on pouvait côtoyer des gens très différents et faire des choses variées avec des gens très différents… une richesse. Maintenant le poids des contraintes du collectif c'est vrai que ça peut être énorme à certains moments. C'est vrai.... Ce que disait Ch. , qu'en vacances tu te disais que tu allais manquer les réunions, que tu aurais peut-être des choses à faire et que tu ne serais pas là pour les faire… C'est vrai c'est un poids. Il faut tenir compte de l'impact de ce poids sur les gens. Comment peut-on faire pour mettre dans la balance ce que ça apporte en plus et combien ça peut peser sur l'individu. Est-ce qu'on peut trouver quelque chose… pas vraiment un équilibre, mais plutôt comment faire pencher le plateau du côté du positif. Si on se projette dans le futur, l’évidence de l’expérience passée c'est qu'on ne peut pas avoir un groupe trop grand… nous on l'a moins senti aux diables bleus qu’à la Brèche

Il faut qu'il y ait une adaptation entre le lieu et le groupe. Ici à Maraldi, c'était juste pour avoir un bureau. On avait un emploi il fallait bien que cet emploi ait un endroit pour qu’il puisse s’exercer… Il fallait récupérer un certain nombre de choses des diables bleus...

Quand le lieu est petit, même pour les réunions les gens  ne viennent pas beaucoup.

Si on est un groupe qui investit un nouveau lieu peut-être ça entraînera d'autres gens dans ce lieu.

 Autre problème évoqué : qu’une frange de gens attirés par ce type de lieu où nous étions, en chassent d'autres, je ne vois pas comment on peut faire pour l’éviter.

Sur l’évolution du lieu ? Nous avons tous changé sur les cinq ans : je n'étais pas la même que celle que j'ai pu être au début. Je ne vois pas une évolution linéaire pour le lieu. Le lieu a été mieux à certains moments qu’à d'autres, mais pas comme Ch. le dit « il y a eu deux ans bien et puis après... Ça a changé ».  Je ne vois pas les choses comme ça. J'ai beaucoup changé moi-même, mon appréciation du lieu a changé en même temps, mais je pense que plutôt qu’il y a eu des hauts et des bas c’est aussi en fonction des gens qui à un moment étaient plus particulièrement présents. Dans un premier temps, c'était branché d’y venir sur ce lieu qui venait de s’ouvrir sur Nice. Après c'est devenu une habitude et ceux qui venaient pour l’aspect branché sont moins venus. C'est vrai qu'au début il y avait beaucoup de monde au mardi bleu et puis moins, mais à la réflexion, là aussi c’est plutôt en dents de scie qu’un déclin. Cette espèce de « lieu guinguette », actuel et à la fois d'un autre temps… pour un certain nombre de personnes qui étaient aux diables [la destruction] c'est un arrêt, on ne retrouvera plus ça. C'est difficile pour elles de continuer… la frustration est très grande. Il y avait au diable des gens qui se familiarisaient avec des choses, essayaient des choses sans être des professionnels, je parle pour moi aussi, et des gens qui n’étaient par vraiment musiciens, des gens qui n'étaient pas acteurs, mais qui avaient en eux un désir et des aptitudes comme je pense qu'il en existe chez la plupart des humains. Il y a peu de gens qui avant les diables bleus auraient pensé faire telle ou telle chose du domaine de la création. Moi je trouve que ça, ce pouvoir créatif- pas forcément seulement dans le domaine artistique- les gens qui le voulaient aux diables bleus, pouvaient essayer de l'exercer et je ne vois plus où ça peut se faire actuellement, où ça peut exister. Ceux et celles qui sont dans des circuits, qui ont fait la preuve aux diables bleus à la brèche de ce qu'ils étaient capables, de ce qu'ils et elles savaient faire et qui se trouvent actuellement en quelque sorte reconnu(e)s, ceux et celles là ont moins de frustration que les autres et à la fois sont plus libres c'est évident puisqu'ils et elles n'ont pas le poids du collectif.

Les choix d'aller à SPADA ont été faits, ça a été lourd pour le collectif, lourd de conséquences, c’est évident que si on avait pu rester ensemble il aurait peut-être été plus difficile de nous déloger, de détruire. Pour la mairie le fait qu'il y ait SPADA, elle s'en sert. Il est évident que cette communication qui est faite sur SPADA il n’y a personne qui la contredit ou la dérange parce que nous on est peu visibles. Une action, comme l'action bleu, un truc plus ciblé par rapport à un lieu pour dire « il y a des gens qui sont casés, il y en a d'autres qui n’ont rien... Il me semble que ça serait nécessaire… Octobre bleu, oui, mais d'ici là il me semble qu'il faudrait faire autre chose, hier on a évoqué de faire quelque chose pour le 16 juin, ça a été évoqué...

 

 

 

Sixième témoignage DB

Les gens sont conditionnés à vivre dans des groupes homogènes et discontinus or les diables bleus c'était l’hétérogène et le continu. Certes ils rencontraient ici aussi des Arabes, des clochards, des excités, des avinés... Mais, il ne fallait qu’un atome de courage pour venir aux diables bleus .De toute façon comment prétendre pouvoir accueillir tout le monde .C'est impossible, la sélection se fait donc naturellement. Les gens qui sont restés sont restés, les autres sont allés voir ailleurs c'est tout… on ne peut pas avoir prétention à accueillir tout le monde. Le problème est faussé dès le départ comme celui des gens du quartier qui ne viennent pas aux diables.

 Moi je ne vois jamais les choses avec une vision historique des évènements. Je vois des apogées et des moments nuls. Les apogées ce sont le puits, c'est octobre bleu, des bals magnifiques, le cirque Maboul et Can e Puarc, ce sont des évènements impensables, importants… ne pouvaient se passer qu'ici, pas ailleurs, rassemblant des gens différents c'était magnifique. Des moments où c'était médiocre. On marchait avec les saisons et on attendait le printemps… moments creux en hiver... Les gens se traînaient : il faisait froid dans les ateliers. Il y a eu pas mal de sommets. Je disais que les diables bleus c'était la guinguette de l'an 001. La où je ne suis trompé et je m'en suis aperçu qu’après c’est quand  je pensais que c'était le gens qui faisaient le lieu. Quand ils ont détruit le lieu, protégés par une armada de CRS, à la pelleteuse devant nous, on chantait parce qu'on disait « on sera plus fort que le matériel, on est avant tout une construction humaine et tout ça peut bien s'effondrer, nous on  leur montrera ce qu'on sait faire ». Et après coup que me suis rendu compte que l’important c'était surtout la puissance du lieu. C'était lui qui nous fédérait, ça sert à rien de discuter. Le jour où on aura un lieu approprié, aussi grand permettant des échanges, ça recommencera. Les gens se sont taillés… ils sont allés ailleurs quand le lieu a disparu. Il y a deux systèmes possibles extrêmes,  j’ai appelé système horizontal celui où les gens sont dans des groupes homogènes, ils se connectent comme pour Télé glouglou au MAMAC, ils se retrouvent à un endroit grâce à Internet, à un affichage dans la rue. Chacun est dans un groupe homogène et un soir, on fait un petit coup d'hétérogène dans la fête. Quand je suis allé à Télé Glouglou, j'ai eu un double sentiment : un sentiment d'être très content de revoir autant de têtes et un écoeurement total de penser que tous ces gens-là je les côtoyais quasiment quotidiennement aux diables. En système horizontal on met en réseau des choses qui existent déjà, on ne met rien en cause, ce n'est pas du tout politique. Il y a le système des diables bleus vertical on gère  la difficulté, on a du territoire, de la puissance et il faut légiférer parce qu'on a des gens depuis clochard jusqu'au petit bourgeois. Il faut arriver à gérer des gens si différents, d'âges différents, on a là une action politique parce qu'on est un laboratoire d’autogestion, on est une réunion de coadministrateurs d'un lieu. Dans le système horizontal il n'y aucune interconnexion ou très peu. On se retrouve ensemble pour le plaisir. Dans le système vertical, il y a de l'amplitude parce qu'il y avait de l’interconnexion, de l’hétérogénéité, du continu et de la difficulté pesante. Si on a un territoire suffisant tout se passe à peu près bien, en fait c'est le lieu qui détermine le fait que tout se passe bien. Si le lieu est trop petit, comme ici, on a un beau panier de crabes. Quel intérêt de venir ici pour gérer le désert? Les gens se sont taillés vers l'horizontalité dans les petits clubs par affinité, de façon homogène. Il faut un lieu pour attirer du monde. Quand on est arrivé là en 99 on sortait d'une longue période de frustration et maintenant il nous faut de nouveau une période de frustration pour retrouver l'énergie. Ce fut trop tôt, il faut peut-être aussi d'autres personnes dans la frustration. On est peut-être fatigué et c'est d'autres personnes qui devraient le faire... C'est comme une histoire amoureuse, tu restes longtemps tout seul et tout à coup tu rencontres quelqu'un et ça te redonne de l'énergie. L'idéal presque impensable c’est qu'il y ait octobre bleu... Je pense que c'est complètement déraisonnable et je pense qu'il faut qu'on arrive au moins à faire quelques événements, quelques grosses manifestations qu'on appellerait octobre bleu. Je ne sais pas si on a le potentiel humain et l'énergie pour le faire, les lieus...

 

 

Septième témoignage DB

Le problème des diables bleus c'est celui de l’investissement. Quand on fréquente le lieu, il peut devenir une contrainte en concurrence avec sa vie personnelle. Tout en permettant aussi de trouver une évolution individuelle positive ; c'est très difficile parce que forcément il y a des  contraintes .C'est impossible d'y échapper dans une organisation telle que les diables bleus et tout le monde n'est pas apte à donner de sa vie. Forcément il en résulte des décalages entre les uns et les autres, décalages qui créent des tensions. C'est quelque chose d'extrêmement compliqué à gérer. Et c'est vrai que si je recommence quelque chose, je le ferai en ayant l'envie de ne pas faire les mêmes erreurs qu'avant. Il faut recommencer quelque chose de nouveau en se servant des erreurs qui ont été faites. Ça reste quelque chose d'extrêmement difficile à réaliser pour que ça puisse convenir à tout le monde, sans qu'il y ait de frustrations, de culpabilités, des gens qui ont l'impression d'avoir tout le poids du truc sur les épaules...

 

Conversation finale- mardi 3 mai 05

 

-S'il y a déjà un problème de tunes. Il faut faire des événements pour trouver de l'argent, des fêtes.

-Demander un stand à la fête du château.

-Ça je crois que c'est une bonne chose.

-On peut faire des apéros comme le Babazouc faisait.

-Un chanteur avec une guitare ici c'est possible.

-Tenir un stand à la fête du Château on y a pensé. On vend de la boisson, on diffuse l'info.            

-On peut exposer, on peut venir chanter.

-Nous avons les T-shirts Sambati, on les vend  et on donne tout. (Rires).

-On va avoir un CA le 10 mai. Les gens du CA décisionnaires vont s'exprimer et ils ne sont pas forcément du même avis.

-Tu sais que ça nous a manqué (une bouteille de vin arrive avec C.)

-Je propose qu'il y ait un retour de l'info de ce qui sera dit le 10 à tous.

-Nous on va transmettre ce qui a été dit ici aux autres du groupe.

-Ce que je vais transmettre à la réunion du 10 mai dépend en partie de ce qui est dit dans ces réunions avec les gens qu'on ne voit plus tellement mais qui sont là quand même, sentir quelle volonté les anime, ces gens pour moi c'est important et ça m'amènera à dire telle chose plutôt que telle autre. Moi mon envie de toute façon c'est d'occuper un lieu. La question qui se pose c’est « occuper avec qui »? Plutôt à squatter puisqu'on n'arrive pas à acheter…soit trouver un propriétaire qui accepterait de faire un bail précaire soit occuper quelque chose dont le propriétaire se contrefout comme le Pigeonnier où le propriétaire ne sait même plus ce qu'il a et où.

- Non, certains lieux lui appartenant et repérés sont inaccessibles: porte blindée ou locataire à l'intérieur.

-On a essayé de trouver des lieux à acheter en se mettant à plusieurs en créant une société civile immobilière pour avoir un lieu installé dans la durée. On a approché quelque chose qui nous a beaucoup plus mais finalement on n'a pas pu mener à terme. Parce que c'était une zone réservée c'est-à-dire un lieu où il y ait un projet d'urbanisme, une route en l'occurrence.

-On a même fait des chèques pour l'acheter.

-Ça aussi ça nous a bien cassés. Il y a eu un gros espoir sur ce lieu où on voyait beaucoup de choses possibles.

-Après ça on a cherché dans les petites annonces des journaux .Chacun allait visiter. Moi, j'étais pour l'achat mais vu les problèmes...

-Aujourd'hui l'achat c'est dur? Occuper c'est dur.

-Bon je sais ce que je veux, c’est occuper un lieu.

-Il y a le repli sur l'horizontalité c'est-à-dire juste une petite zone pour mettre en réseau les autres.

- Est-ce que ça ne serait pas une solution temporaire?

-Ça peut être une solution et si tu trouves un grand lieu tu peux l'intégrer.

-Quand vous avez sorti les chèques, vous vous êtes rendus compte de votre capacité d'achat ?

-On comptait aussi sur des subventions et la participation de tout le monde.

-Il y avait une belle énergie et on a compris que ça allait rendre possible d'autre chose ailleurs.

-La création d'une société civile immobilière ça permet aux gens d'avoir des parts dans la société, savoir comment ils peuvent éventuellement se désengager s'ils veulent partir, comment ils peuvent récupérer leur mise tout ça ça existe, il y a des bouquins qui expliquent ça.

-On a dit on va signer le compromis d'achat et on va bosser là-dessus ; il y avait des gens qui n’étaient pas tout le temps aux diables bleus mais qui étaient intéressés pour que le lieu existe et qui étaient prêts à faire un apport personnel pour l’achat. On a commencé à faire une liste de noms d'acheteurs de parts ; chacun a dit combien il pouvait donner.

-Il y a eu une tension entre ceux qui voulaient acheter et ceux qui voulaient squatter… la guéguerre.

-Il y a eu un vote, ce n'était pas la guéguerre

-Il y a eu une petite période où il y avait une tension.

-Mais au moment où nous avons trouvé le restaurant des P. ça s'est résolu. Il y avait même ceux qui n'avaient pas de capitaux qui se sont regroupés pour acheter des parts en se mettant à 4 ou 5 ; ils étaient regroupés pour pouvoir donner ce qui correspondait à une part. C’était donc une angoisse a priori ; en plus ils sentaient bien que l'antagonisme n'était pas fondé.

-Il y en a qui avait peur qu'en achetant un lieu on soit obligé de changer tellement de fonctionnement que ça dénaturerait les choses et d'autres qui disaient non on peut se donner des garanties.

-C'est un risque à prendre quand même?

-Bon si ça va mal,  tu revends.

-Oui tu es sous la pression d'avoir à payer chaque mois.

-Oui mais justement il n'y avait pas de risque important, c'est la mise en commun de bien par l'appropriation collective.

-Après tout, les gens qui avaient un peu de fric pouvaient s'acheter un lieu personnel un atelier et là l'achat permettait que ça profite à tout le monde.

-Les gens qui avaient peur de l'achat ne se sont pas tellement bougés pour trouver un lieu à squatter.

-Les choses ne peuvent pas se refaire de la même manière car nous sommes attendus, écoutés, pistés, peut-être infiltrés si on est un peu plus parano.

-Ce micro c'est quoi là?

-Ça justement...

-Ce JC il est dans un double jeu...on le voyait plus... Il réapparaît ...tu vois c'est vrai tout ça c'est louche, hihihi !

-Moi je vais être content quand ça va s'arrêter ici, un peu comme C. pour la disparition de la Brèche.

-Après on sera obligé d'opter pour quelque chose de clair, ici on demande aux gens de s'astreindre à des réunions pour gérer le désert

- Le préavis est de six mois, à la rentrée en septembre on s'en va.

-Le seul film qui ait été projeté ici c'est Punishment Parc. C'était d'un à propos total…

-Bientôt on projette la Jetée...