DIABLES BLEUS…

 

Retournant sur la Côte après trois ans en étranger j’envisageai avec beaucoup de plaisir d’y retrouver les Diables Bleus. Pour signer mon contrat je suis venu à Nice pour quelques jours en mi-Décembre. Un soir j’en profitais pour aller voir les Diables…

 

 

L’air de jeu Est-allemand fut démantelé : Les échafaudages d’escalade sur lesquels nous grimpions encore - dorénavant jugés mortels - furent remplacés par des objets conformes ; - certifiés conformes. La terre fut couverte de plastique aseptique. Le pavé des ruelles dans les joints desquels poussait encore l’herbe fut couvert de macadam.

 

Lisse Europe occidentale - facile et pas chère à entretenir - C’est la force du marché.

Depuis des siècles l’homme tue le sauvage, depuis Caïn et Abel, le sédentaire haineux persécute et s’acharne sur le nomade. Les squatters à Berlin – ont soit disparus, soit sont devenus des proprios - C’est ça, ou plutôt ce n’est pas ça qui m’a attiré et bouleversé dès la première fois où je suis « tombé » sur les Diables Bleus. Un grand vernissage ; - une caserne comme si elle avait été tout récemment délaissée par les Russes - maintenant pleine de sculptures, pleine de créations fantastiques. A côté - à travers d’une petite forêt décorée de lampions - dans une petite salle rouge on dansait la bourrée entre des fauteuils et autour d’un poteau en bois : loin de l’establishment trad - loin de tout establishment.

 

Le chercheur a comme but d’écarter les contradictions et à créer un modèle qui convienne à ses expériences - ou même à nos expériences quotidiennes : Si l’on ne va jamais plus loin que Cannes, Grasse ou Ventimiglia la supposition que la terre soit plate est bien suffisante. Si par contre on s’en va vers l’ouest et retourne par l’est, bien évidemment le modèle d’un monde plat sera mis en contradiction avec notre expérience et devra être modifié : on rajoutera la courbure. Chaque fois notre modèle modifié se heurtera de nouveau à une contradiction on le modifiera.[1]

 Il y aura toujours plusieurs représentations de notre « modèle » - ceci peut être une formule mathématique, un dessin, ou comme tout à l’heure une simple description. Chaque représentation ne comprend qu’une facette de ce que j’appellerais la Réalité, et sera toujours une abstraction, c'est-à-dire une simplification.

 

L’homme n’hésite cependant pas à appliquer ce principe à sa société : Mais, dès que l’homme se mette à supprimer les contradictions inhérentes à nos vies, inhérentes à la vie humaine, dès qu’il se mette à l’abstraire, dès qu’il soumette la société à une « logique » ; - tout devient meurtrier.

Combien l’homme a t’il tué pour la Pureté – la « pureté » raciale, religieuse ou idéologique – c'est-à-dire pour une simplification.

 

C’est pour ça que j’étais si abasourdi quand je suis arrivé un soir de la mi-Décembre sur le parking de la cité Universitaire de St. Angély. Quelques tsiganes se réchauffaient autour d’un feu. Je croyais m’être trompé de lieu – nul point de repère – où étaient les casernes ? Puis, je retrouvais les arbres de la petite forêt décorée de lampions, et… un amoncellement de pierres…

 

 

 

[1] Dans notre modélisation de la terre il s’avérera à l’époque de la trigonométrie qu’elle n’est pas simplement ronde, mais plutôt ellipsoïde. A l’époque des satellites il se trouve enfin que sa forme correspond en « vérité » à celle d’une pomme aplatie, étant foncée ci et ayant quelques bosses là…

2 Remarquons, que plus cette abstraction devint complexe, moins elle sera accessible. Le modèle le plus complet est la reproduction parfaite de l’original… Mais où serait donc dans ce cas-là le mérite du génie humain, l’abstraction ?

3 Nous, êtres humains sommes trop complexes pour  la simplification.